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lundi 26 septembre 2011

JOURNÉE D'ÉTUDES "ENQUÊTER SUR LA SUBJECTIVITÉ DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ"

 


26 OCTOBRE 2011
L'EHESS, 96 BD RASPAIL, 75006 PARIS
SALLE LOMBARD
9H-18H
CONTACT: SUBJECTIVITESANTE2011@GMAIL.COM


Longtemps reléguée aux marges des approches structuralistes de la société qui l’ont considérée comme un obstacle à la réalisation d’une science sociale rigoureuse, la « subjectivité » et les processus de « subjectivation » des individus font l’objet d’un intérêt renouvelé. On ne saurait attribuer exclusivement l’émergence de ces problématiques au succès indéniable des travaux du « dernier » Foucault sur le « sujet » et le « souci de soi ». L’intérêt apporté au « sujet » est plutôt le fruit d’une tendance de longue durée qui a traversé les sciences sociales à partir des années 1980 : des travaux d’Alain Touraine sur l’« acteur », en passant par le renouveau de l’ethnométhodologie au sein de l’anthropologie des sciences et des techniques, jusqu’à la sociologie des épreuves, le « sujet » des sciences sociales s’est progressivement configuré comme un être qui assume sa capacité à négocier l’ordre social, à résister à la « domination », voire à la détourner et à la subvertir. Les sciences sociales ont essayé de saisir réflexivement l’engagement du chercheur dans son travail d’enquête, ou encore d’appréhender l’émergence sur la scène sociale de sujets qui se trouvaient autrefois aux marges de la société. De sorte que la question du sujet concerne aussi bien les théories et outils analytiques que le chercheur mobilise, l’engagement de sa propre subjectivité au contact du terrain et les objets/sujets qu’il étudie. Centrale à bien des égards, la notion de sujet soulève des défis méthodologiques et ouvre la voie à des pistes d’enquête inédites. C’est dans le domaine de la santé que cette journée d’étude propose d’analyser la question du sujet. Trois axes structureront la journée « Enquêter sur la subjectivité dans le domaine de la santé ».

Le premier axe sera consacré aux problèmes méthodologiques soulevés par la question de la  subjectivité dans les sciences sociales de la santé. Ces enjeux, en partie déterminés par l’approche disciplinaire, sont multiples. L’engagement de l’anthropologue ou du sociologue sur le terrain est largement discuté. Souvent confronté à des approches militantes ou à des acteurs scientifiques engagés dans des controverses, comment le chercheur conçoit-il sa relation au terrain puis à sa restitution ? Et comment l’historien, le cas échéant, traduit-il dans sa propre démarche ces questions élaborées par d’autres disciplines ? Quant à l’approche, la question du sujet semble induire une démarche qualitative. Une démarche quantitative ne peut-elle également éclairer l’expérience subjective des acteurs ? Saisir la subjectivité des enquêtés revient-il forcément à  approfondir l’enquête en direction du qualitatif ? La subjectivité des acteurs apparaît-elle à mesure que l’on s’approche de leur expérience et de leur singularité ? Ces interrogations s’avèrent décisives surtout lorsque l’on choisit de radicaliser la démarche qualitative en concentrant sa recherche sur un nombre restreint d’enquêtés : peut-on faire une enquête ethnographique sur un seul individu ? Quelles conditions un tel travail doit satisfaire afin de garantir sa « scientificité » ? De telles questions ne semblent, a priori, guère se poser aux historiens ; néanmoins, la confrontation des démarches historiennes avec celles de l’anthropologie et de la sociologie pourrait contribuer à éclairer certains enjeux méthodologiques associés à la notion de subjectivité. Comment les historiens ont-ils traduit dans leur méthodologie le défi d’une histoire des subjectivités, sans tomber dans des approches dénoncées comme psychologisantes ? Comment l’intuition de l’historien émerge t-elle du rapport entre le passé et son présent ?

Le deuxième axe de la journée portera sur les significations du travail émotionnel mis en place par les acteurs. Quelle place les émotions et les sentiments moraux revêtent-ils dans certaines interactions propres au domaine de la santé et de la maladie ? Cela peut-être le cas de décisions prises autour de la fin de vie d’un individu par sa famille et par l’équipe soignante. Dans quelle mesure les émotions sont-elles susceptibles d’orienter les choix des acteurs ? Ces derniers font-ils des usages sociaux des sentiments afin d’influencer l’ordre de l’interaction ? Peut-on repérer dans l’analyse de ces situations critiques des « économies morales » distinctes qui déterminent éventuellement des conflits ou, au contraire, des accords entre les acteurs ? Peut-on faire une histoire morale ou émotionnelle des pratiques de santé, alors même que le langage des émotions est bien souvent absent des archives ?

Le troisième axe se concentrera sur l’étude des processus de « production de subjectivités » dans le domaine des politiques sociales et de santé. Il s’agira d’appréhender les enjeux de ce que l’on pourrait appeler, dans le sillage de Ian Hacking, le « façonnement » des sujets par les politiques publiques ou encore par l’action des mouvements sociaux. Comment explique-t-on l’irruption de populations auparavant invisibles qui revendiquent un droit à la visibilité par un usage social et politique de la subjectivité ? Quel type de sujets les campagnes de santé publique ont-elles fait émerger ? Ces processus de façonnement provoquent-ils des résistances ? A titre illustratif, comment analyser l’apparition en France de politiques publiques qui, au cours de la dernière décennie, ont construit des populations entières de citoyens dépendants – des « handicapés psychiques » aux personnes âgées – en s’appuyant sur un langage, celui de la reconnaissance, de l’ « autonomie » et du « projet de vie » des « personnes en situation de handicap », qui s’apparente à celui de la subjectivité ?


Organisateurs :


Julie Castro, médecin, doctorante en anthropologie, EHESS-IRIS/IRD-UR
Benjamin Derbez, doctorant en sociologie, EHESS-IRIS/INCa,
Alessandro Manna, doctorant en anthropologie, EHESS-IRIS,
Giacomo Mantovan, doctorant en anthropologie, EHESS-CRH/CEIAS,
Victor Royer, doctorant en anthropologie, EHESS-IRIS
Gaëtan Thomas, doctorant en histoire, EHESS-CRH/CERMES3
Frédéric Vagneron, doctorant en histoire, EHESS-CRH. 
Juliana Veras, doctorante en sociologie, EHESS-CERMES3






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